Le photographe britannique Michael Kenna saisit depuis plus de 40 ans “la fragilité de l’instant, la stupeur esthétique” du paysage. Ses images aux monochromes ciselés, vides de toute présence humaine, nous invitent à une contemplation apaisante.
“Évitant les vicissitudes de la mode et le dogmatisme esthétique, Kenna a construit au fil des ans un corpus d’œuvres centré sur la représentation du paysage dépourvu de figures humaines.
Pourtant, l’empreinte d’une présence est là, d’une manière étrange, fantomatique, dans les traces que les humains laissent derrière eux. La forme du paysage émerge dans de longues expositions de nuit ou dans une faible lumière, magnifiant les contrastes de textures et de matières, et engendrant une rhétorique raffinée de la lumière.
“Je m’intéresse à la relation, à la juxtaposition et à l’interaction entre le paysage et les structures que nous, les humains, laissons sur le paysage. Histoires, empreintes de pas, preuves, traces, atmosphère et histoire… C’est ce à quoi je reviens toujours.”
Une autre signature révélatrice est la qualité de ses tirages. Kenna fait partie de ces artistes passionnés par l’alchimie de la gravure. Pour eux, une œuvre ne s’arrête pas à la prise de vue mais doit s’étendre à l’adéquation parfaite entre l’image et le tirage.
Au fil du temps, Kenna est passé de petits négatifs, avec un intérêt pour un grain prononcé, à un format carré et des imprimés dans lesquels les tons sépia déploient de riches nuances de gris et de blanc.”
“J’essaie d’éliminer les éléments insignifiants, sans importance, distrayants, ennuyeux. Je me concentre sur les éléments qui suggèrent quelque chose. Je considère mes photographies comme des poèmes visuels de haïku, plutôt que comme des romans complets.”
• Les images monochromes du photographe Michael Kenna capturent “l’essence intérieure” de la nature. Il filtre la réalité à travers des expositions de longue durée, quelques fois plusieurs heures, rappelant les peintures chinoises à l’encre. Kenna recherche coûte que coûte la simplicité des lignes et des formes abstraites intéressantes. Selon ses propres mots : “Je n’ai pas besoin d’être rapide, je n’ai pas besoin de haute définition, je n’ai pas besoin de voir le monde en couleur. Je veux que mon travail soit mystérieux, une interprétation, un catalyseur pour l’imagination.”
Michael Kenna préfère prendre son temps et travailler seul, lentement. Il fait cela depuis plus de quarante ans. Lorsqu’il explore un nouvel endroit, il ne sait jamais à l’avance combien de temps il y restera : quelques minutes, quelques heures ou quelques jours.
“C’est comme se connecter avec un ami ; vous ne savez jamais combien de temps durera une conversation et dans quel domaine la conversation se déroulera.” Cette idée s’étend à son travail de développement photographique en chambre noire. Kenna photographie uniquement en analogique, principalement avec des boitiers Hasselblad et passe des heures à développer le tirage photographique parfait comme s’il ciselait une sculpture.
• Initialement influencé par de grands photographes européens comme Bill Brandt, Eugene Atget et Josef Sudek — Kenna photographie l’Asie depuis le milieu des années 80, notamment au Japon, et plus récemment en Chine, en Inde, en Corée, en Thaïlande et au Vietnam. Il avoue être fortement influencé par le sentiment de sérénité et de calme du paysage asiatique. Cela rappelle l’essence de la poésie haïku, le pouvoir de la suggestion sur la description.
“J’ai aussi regardé la calligraphie asiatique et les peintures traditionnelles sumi-e. Ces œuvres d’art ont été très influentes. Mon style est devenu de plus en plus minimal et clairsemé”.