Figure majeure du XXeme siècle, Charlotte Perriand a construit des ponts entre architecture, art et design. Vingt après sa disparition, la Fondation Louis Vuitton lui consacre une exposition événement jusqu’au 24 février 2020. L’occasion d’offrir au public un dialogue entre ses réalisations et 200 œuvres d’artistes de son temps.
Sa carrière a duré près de soixante-quinze ans — aujourd’hui les créations de Charlotte Perriand sont parmi les plus recherchées sur le marché du design. Etonnante destinée ! Lorsque Perriand, 24 ans, entra dans l’atelier parisien de Le Corbusier au 35 rue de Sèvres en 1927, et lui demanda de l’embaucher, sa réponse fut laconique. “Nous ne brodons pas de coussins ici !”
Etre femme et designer-architecte à une époque où ces métiers ne semblaient destinés qu’aux hommes, était l’une des raisons pour lesquelles Charlotte Perriand fut reléguée comme éternelle collaboratrice de Le Corbusier ou Fernand Léger. Et pourtant, Perriand conçue comme aucune autre, mobiliers et espaces d’habitation grâce à son esprit innovant et sa vision avant-gardiste.
“Le Corbusier attendait avec impatience que je donne vie aux meubles”, écrivait-elle en 1991 pour son autobiographie. Dans une lettre de 1932, l’architecte suisse confirme que “l’entière responsabilité de l’équipement domestique” de ses immeubles lui appartient : “Madame Perriand possède des qualités exceptionnelles d’inventivité, d’initiative et de réalisation dans ce domaine”.
On l’a souvent comparé à Marianne Brandt, qui fit des merveilles au Bauhaus de Dessau. Avec Eileen Gray, qui ouvrit la voie au début des années 1920 — ces trois-là deviendront les égéries de la modernité.
Mais l’œuvre de Charlotte Perriand résonne aujourd’hui sans doute plus fortement qu’aucune autre. L’économie de moyens, la rationalité des formes et des espaces, l’utilisation de matériaux simples constituent des mantras intemporels qui guideront la carrière de l’architecte et designer.
Voyageuse, libre, avant-gardiste, Charlotte Perriand plaçait l’humain au cœur de son travail. Son œuvre a devancé nos débats contemporains sur la place accordée aux femmes ou à la nature dans la société.
En son temps, elle a dessiné les lignes d’un monde nouveau qui oscillait entre tradition et modernité, un monde qui conjuguait arts et culture. Perriand est entrée dans la postérité en créant mobiliers et objets design alliant esthétique et fonctionnalité.
Formée à l’Ecole des Arts décoratifs, elle s’est nourrie des cultures du monde et des progrès techniques pour la réalisation de pièces audacieuses dès les années 20.
Ses voyages au Japon ou au Brésil retranscrits dans l’exposition ont nourri sa créativité. Elle ramènera du bambou : un matériau utilisé ensuite pour la réalisation de meubles. Parmi ses œuvres phares : le fauteuil pivotant ‘b302’ (1927), la Chaise longue basculante ‘b306’ (1928), toutes deux exposées devant une immense toile de Fernand Léger.
La Fondation Louis Vuitton a vu les choses en grand, pour célébrer Charlotte Perriand. Les onze galeries réparties sur les quatre niveaux accueillent des reconstitutions d’appartements créés par l’architecte visionnaire et engagée. L’exposition chronologique et thématique nous montre au fil des pièces le parcours de l’artiste.
Déambulation au sein de l’Appartement idéal agrémenté de meubles en acier chromé (1927). Découverte de la Maison du Jeune Homme (1935) : un petit espace tout confort de 16m2, agrémenté d’œuvres d’art et de meubles modernes. Passage dans son « Refuge Tonneau » : une invitation au voyage pensé en 1938. Parmi ses dernières réalisations : la Maison de Thé réalisée pour l’UNECO (1993).
Toutes ces œuvres entrent en résonance avec une sélection d’œuvres d’artistes d’exception : Pablo Picasso, Le Corbusier, Fernand Léger, Hisao Dômoto, Alexander Calder, Joan Miro…
Une expérience à vivre à la Fondation Louis Vuitton avant le 24 février 2020.
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